alcool

tu es là. tu attends le message de l'infirmière pour récupérer tes antidépresseurs. tu vois des gens qui peignent le lycée. c'est le dernier jour, mais ils sont encore là. tu reçois le message de l'infirmière qui te dit que l'infirmerie est ouverte et que tu peux entrer pour prendre tes médicaments. tu entres, tu les prends, tu sors. avant de sortir de l'établissement, tu passes par les toilettes pour te voir devant le miroir. tu n'es pas mal. rien de spécial. devant l'entrée du lycée, tu vois cette fille avec qui tu n'as jamais parlé. elle te dit qu'elle va au bar un peu plus tard, qu'elle attend des gens. tu continues ton chemin, vers le métro. tu te sens bien. ton cœur bat vite et tu n'arrives pas à comprendre pourquoi. tu penses à comment la soirée se déroulera. tu penses que, peut-être, tu embrasseras quelqu'un bourré, quelqu'un que tu trouves beau. tu te reprends pour penser à ça. tu vois la stupidité de ces pensées. dans le métro, tu vois deux autres filles de ta classe, elles s'arrêtent un peu avant toi, elles vont attendre des amies pour marcher ensemble jusqu'au bar. tu continues dans le métro. au prochain arrêt, tu descends. il fait froid, mais tu ne le sens pas. tu arrives au bar et tu t'assis. tu vois l'ambiance, tu écoutes les chansons. c'est un pub irlandais. tu ne te sens pas mal. mais tu es seul, personne que tu connais est encore arrivé. tu changes de table et tu t'installes devant devant une petite bibliothèque collée au mur et remplie de vieux livres. tu prends un livre et tu commences à le lire. tu t'ennuies. et tu continues à penser que tu te sens seul, car tout le monde arrive ensemble, avec des amis, mais tu es arrivé qu'avec toi. et tu sais que d'autres personnes ont déjà commencé à s'amuser pendant que tu ne fais rien à part de sembler lire. 

les minutes passent. des personnes commencent à arriver. des filles d'une autre classe arrivent et s'installent dans la même table que toi. vous parlez. le temps continue à passer et à apporter des gens vers le pub. des personnes plus proches de toi arrivent. vous parlez. vous discutez. vous vous sentez bien. tu vas à un autre endroit du pub, pour faire connaissance. tu vois cette fille si douce et agréable. elle t'invite à jouer aux fléchettes, et tu acceptes, car tu veux faire quelque chose, car tu veux te sentir bien, car tu veux rester proche des ces personnes que tu aimes bien. et le temps passe, et à chaque passage, d'autres personnes arrivent. vous jouez aux fléchettes, vous vous amusez. tu prends des photos, car tu veux garder les souvenirs, car tu veux les matérialiser. et tu veux continuer à te sentir bien, tu veux continuer à t'amuser et tu veux que le temps s'arrête de passer pour rester dans ce moment où tu es. tu décides d'acheter une boisson, sans alcool, tu n'aimes pas le goût de l'alcool. tu achètes un cocktail de fruits et tu le bois vite. tu te promènes dans le pub, tu vois les gens, tu les vois sourire, et tu essaies de faire pareil, même si tu détestes ton sourire. tu ne fais rien à part marcher et prendre des photos, tu ne fais rien à part rester à côté des personnes que tu apprécies bien, dans un essai de t'intégrer, dans un essai de participer à quelque chose. cette fille douce et agréable t'invite à danser, et tu le fais, même si tu n'as jamais dansé. elle t'apprend des mouvements, et tu passes un bon moment avec elle, car elle sourit, car elle est gentille. 

et soudainement, tu es seul. tu ne sais pas ce qui vient de se passer. mais tu te trouves un peu hors place. tu décides de t'asseoir. un homme qui vend des roses entre dans le pub. tu prends ton unique billet restant et tu achètes une rose. tu ne sais pas quoi faire avec elle, ou à qui l'offrir, mais tu l'achètes quand même. tu marches avec ta rose et une fille te demande à qui tu vas donner la rose que tu viens d'acheter. elle demande si tu vas la donner à un garçon spécifique. tu trouves ça étrange, car tu ne lui as jamais dit que tu étais intéressé par ce garçon. tu dis que non, et c'est vrai, car tu ne peux pas donner ta rose à ce garçon qui est déjà en couple. tu ne peux pas non plus l'offrir à cet autre garçon de bon esprit, car tu n'es plus amoureux de lui. tu ne peux non plus l'offrir à cet autre garçon aux beaux yeux, car il n'est pas là. donc tu ne fais rien à part marcher avec la rose. tu l'as acheté pour toi-même. ou au moins c'est ça que tu essayes de te dire, de te convaincre, car tu ne veux que la donner à quelqu'un d'autre à part de ta personne. et tu es seul, seul avec ta rose. tu danses avec elle entre tes lèvres. mais ta joie n'est pas si présente comme elle était il y a quelques moments. tu vas au bar, tu mets la rose sur le balcon, et tu restes là. 

tu ne sais pas ce qui t'arrive, mais tu te sens triste. et, comme tu le fais tous les jours, tu observes les personnes. elles dansent, elles sont heureuses, elles sourient. elles sont sur les tables, elles boivent, et sautent d'un côté à l'autre. et tout ça te laisse mal. car tu ne veux qu'être comme eux. mais tu es déprimé, et tu n'as pas envie de danser. 

alors je cherche et je trouverai 

cette fille qui me manque tant 

alors je cherche et je trouverai

cette fille qui me tente tant

qui me tente tant

partenaire particulier

cherche partenaire particulière

débloquée, pas trop timide

et une bonne dose de savoir-faire

savoir-faire

tu écoutes la chanson. tu écoutes et tu observes. tu observes les gens. les gens dansent. les danses te laissent mal. le mal vient de leur joie. ta joie n'est plus dans ton esprit. ton esprit se détache de ton corps. ton corps est immobile. tu veux pleurer. tu veux sortir et retourner chez toi. mais rentrer chez toi serait un gâchis, donc tu restes là. les propriétaires du pub te demandent si tu vas bien. tu réponds que oui. quelques collègues passent et demandent la même chose, et tu leur donne la même réponse. gimme, gimme, gimme a man after midnight. won't somebody help me chase the shadows away ? gimme, gimme, gimme a man after midnight. take me through the darkness to the break of the day. et le temps passe. et tu restes là, détaché de tout, juste à observer. tu restes ainsi pendant beaucoup de temps, tu ne sais pas combien, mais tu sais que c'est beaucoup. le barman t'offre un shot d'alcool. tu n'ai jamais bu, mais tu acceptes, car tu t'ennuies et parce que tu veux sentir quelque chose d'autre à part de ta tristesse. 

tu bois le shot d'un seul coup. tu ne sens même pas le goût. l'effet est instantané. tu sens que quelque chose est arrivé à ton estomac et à ton cerveau au même instant. la sensation est étrange, mais tu l'apprécies bien. tu prends ta rose et tu danses un peu. tu trouves une fille et tu te souviens que c'est son anniversaire, c'est minuit. tu décides de lui offrir la rose. elle l'accepte en toute cordialité et amabilité. et tu vois cet autre garçon que tu trouves beau et agréable. il est avec un grand sourire sur son visage. tu lui demandes combien d'alcool il a bu. il te répond qu'il a bu du rhum, de la vodka, de la bière, de l'eau, de la bière et de l'eau. il est très éméché, mais il est très heureux, et il te dit qu'il t'aime bien, ce que tu trouves drôle, car tu sais que c'est l'alcool que lui fait dire ces mots. mais tu sais qu'il est sincère, ou au moins tu l'espéres qu’il le soit. il te demande si tu as bu, tu réponds que oui. il te demande ce que tu as bu, et tu réponds que tu ne sais pas, parce que c'est vrai. il t'offre un shot, et tu acceptes. il t'emmène au bar avec son amie. pendant qu'il commande les shots, tu danses sur des tables avec des personnes qui t'ont invité à le faire. tu descends, et vous buvez un shot. 

et tu te sens bien. et tu te sens éméché, et tu sais que c'est l'alcool qui te fait sentir comme ça; mais tu aimes bien la sensation, car tu ne te sens plus triste. donc tu fermes tes yeux, et tu danses, et tu chantes, et tu sautes, et tu danses avec les gens, et tu te sens bien. tes yeux restent fermés et tu te laisses emporter par l'alcool. tout est agréable. les gens sont agréables. et tu es conscient de tout ce qui se passe, mais tu n'es plus sur le contrôle total de toi-même. tu te divises en deux. tu es quelqu'un qui fait des choses et en même temps qu'un observateur de tes actions. et cet observateur s'amuse avec ce que tu fais. tu continues comme ça et tu te sens de plus en plus éméché. mais tu ne t'importes pas, parce que tu ne te sens plus triste. et tes amies te voient dans cet état, et elles rigolent, parce que c'est drôle, et tu aimes bien tout ça. mais elles deviennent de plus en plus inquiètes, car l'alcool est de plus en plus présent dans toi, et tu le sais. elles te proposent de l'eau, et elles t'accompagnent où tu vas, car elles ne veulent pas que tu te blesses. mais tu es heureux, et tu chantes et danses autant que tu peux. tu veux continuer à te sentir comme ça, donc tu prends ta carte. tu vois ce garçon qui t'a offert un shot, et soudainement tu as envie de l'embrasser, mais tu ne le fais pas, parce que tu sais que tu ne dois pas le faire. tu lui montres ta carte, et il pense que la carte c'est à lui, ce que tu trouves drôle. tu lui offres un shot, mais son amie refuse pour sa part, car elle sait qu'il a déjà beaucoup bu. donc tu décides de boire tout seul.

tu es prêt à commander un autre shot, mais tu sens une main sur tes épaules. c'est une fille, une amie, qui te dit que c'est mieux de ne pas boire. tu insistes que tu veux boire pour continuer à t'amuser, et elle t'explique que tu n'as pas besoin de boire pour t'amuser, et tu lui dis que oui, car l'alcool te fait oublier ta dépression; car l'alcool te fait oublier cette triste altérité. et tu insistes, et elle insiste. et d'autres filles arrivent, et elles insistent aussi sur le fait que tu ne dois pas boire. mais tu continues à insister, tu continues à demander pour un seul shot de plus, un seul plaisir de plus, un seul orgasme cérébral de plus. tu te sens comme un enfant de huit ans qui insiste à sa mère qu'elle lui achète quelque chose. et tu sais que tu parles comme un enfant, que tu parles différemment à cause de l'alcool. mais tu te rends à leur demande, car tu sais qu'elles ont raison. elles t'offrent de l'eau, et tu bois l'eau sans respirer. et elles t'offrent un autre verre d'eau, et tu fais la même chose. et tu restes avec tes amies, et tu danses avec elles, ou mieux, elles dansent avec toi et tu te sens bien, car tu sais que tu es entouré par des bonnes personnes. et vous restez comme ça, et tu continues à danser. 

et après un certain temps, quelques filles viennent jusqu'à toi pour te dire au revoir. et tu te sens triste, car elles vont te manquer, donc tu commences à pleurer. l'enfant dans toi est là, et tu pleures et tu les serres dans tes bras, car tu veux être proche d'elles une dernière fois avant leur départ. et tu n'es qu'un amalgame de larmes, danses et joie. et quelques autres filles te demandent si tu veux sortir du pub, et tu refuses, car tu veux rester là. et juste après une musique que tu n'aimes pas commence, donc tu sors. 

dehors, tu vois assis au sol et contre un mur un beau garçon. il est à côté d'une belle fille que tu aimes bien. tu t'approches d'eux en compagnie d'une de tes belles amies, et tu parles avec eux. tu vois que le garçon n'est pas bien, et tu le vois vomir. il a beaucoup bu. tu t'approches de lui et tu te sens mal, car tu veux l'aider mais tu ne sais pas comment. tu prends un mouchoir et tu retires un peu du vomi qu'il a sur son bras droit, et tu lui donnes un autre mouchoir pour qu'il nettoie sa bouche. il te remercie, et tu vois qu'il est extrêmement pâle. tu lui demandes s'il veut manger quelque chose, mais il refuse. tu lui demandes s'il veut de l'eau, mais il refuse. tu lui demandes une autre fois, et il accepte. tu cherches de l'eau et tu lui donnes. et tu vois sa meilleure amie qui arrive et qui se met à son côté, c’est la fille qui était devant le lycée, et elle te remercie pour l'eau que tu viens de chercher. tu lui demandes pourquoi il a autant bu, et il te répond qu'il ne se sent pas drôle quand il ne boit pas. et tu ne l'aperçois pas à l'instant, mais une partie de ton monde tombe. 

tu vois qu'il n'est pas si différent de toi, et que de la tristesse est aussi présente dans son esprit. et tu ne te sens plus si seul dans ta dépression. tu vois qu'il est sincère, et qu'il a dit ces mots du fond de son coeur sans trop réfléchir, car il n'y avait rien à réfléchir, il n'y avait rien à cacher, ou au moins l'alcool ne le permettait pas. et, pour la première fois depuis longtemps, peut-etre que pour la première fois depuis toujours, tu as pu, pour au moins un second, entrer dans l'esprit de quelqu'un d'autre et voir ce qu'il y a au fond d'autrui, à ce qu'il y a de vrai dans lui. et tu aperçois, pour la première fois devant toi, ce que la phrase "tu n'es pas seul" veut dire. ta solitude est partagée, ta tristesse est commune. et tu vois que derrière son beau visage il y a de l'insécurité. et tu te sens vraiment mal pour lui. et tu te sens aussi mal pour toi-même, car tu as fait usage de l'alcool pour changer ta personne aussi. et tu te demandes quel être est plus réel, si c'est celui éméché ou celui sobre. 

tu veux lui faire un câlin, mais tu ne veux pas qu'il vomisse sur toi, donc tu te contentes de lui dire qu'il est drôle. et c'est vrai. tu lui dis que tu aimes bien son accent, qu'il est agréable à l'écoute. et c'est vrai. et tu lui demandes si c'est lui qu'à rigolé de ton accent il y a quelques semaines. il répond que non, qu'il ne ferait jamais ça, et tu veux croire que c'est vrai.

c'est l'heure de partir, ou au moins c'est ça que tes amies te disent. tu acceptes, car tu n'es qu'un enfant qui suit des ordres, mais tu demandes de dire au revoir à tout le monde, et tes amies acceptent. donc tu rentres dans le pub, et tu pleures en disant au revoir à chaque personne, car elles vont toutes te manquer pendant les vacances. donc tu dis au revoir à la fille avec la rose, et tu lui dis que tu n'avais pas l'intention de lui donner la fleur, mais au final la rose n'appartient qu'à elle et à personne d'autre. et tes yeux sont pleins de larmes. tu dis au revoir à un de ces beaux garçons. tu dis au revoir au groupe de filles qui sont toujours ensembles. tu dis au revoir à la gentille fille des classes d'espagnol. tu dis au revoir jusqu'à ne trouver plus personne pour le dire, et tu continues à pleurer.

les filles t’accompagnent jusqu'à chez toi. tu pleures de tristesse de les voir partir et de joie d'être entouré par des personnes si bonnes. 

donc tu envoies un message à tout le monde en disant que tu les aimes bien, et que tu es heureux de les avoir près de toi.

l'alcool laisse de faire effet.

tu ne te sens pas mal.

tu ne te sens pas triste.

donc tu restes là. 

mais cette fois, le là est différent.