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texte facultatif

Dernière mise à jour : 27 oct. 2024

  réveille. l'alarme de mon téléphone portable se déclenche. je le désactive. il est six heures vingt du matin. je ne veux pas aller au lycée. je règle l'alarme pour qu'elle sonne dans dix minutes. je retarde mon réveil. six heures trente. l'alarme se déclenche à nouveau. je sors de mon lit. j'ai froid. mes yeux s'habituent à être ouverts après avoir été fermés pendant des heures. je vais à la table où se trouve mon ordinateur et j'allume une petite lampe à côté. je regarde ma chambre, sombrement éclairée. ma chambre est petite, sa largeur est plus petite que celle des couloirs du lycée. si j'étire les bras, je peux m'appuyer contre les murs. ma chambre est simple : un placard, une table, une chaise, un lit, une fenêtre, un rideau et une petite bibliothèque. ma chambre a différentes nuances de blanc et de jaune. ma chambre est aussi terne que moi. je sors de ma chambre et je vais à la

  cuisine. j'essaie de ne pas faire de bruit, je ne veux pas déranger ma mère et mon beau-père. la chatte me miaule. elle veut quelque chose, je ne sais pas quoi. c'est sombre. j'allume une lampe dans le salon, qui est relié à la cuisine. la cuisine est petite. l'appartement est petit. il doit avoir environ deux cents ans. peut-être que j'exagère. je ne sais pas. j'ouvre le frigo, la chatte essaie d'entrer dedans, je la repousse et ferme le frigo. je m'accroupis par terre, je ne sais pas quoi faire, je ne sais pas quoi manger. je me lève, j’ouvre le frigo, je le regarde, je le ferme. j'ouvre un placard, je sors un verre, je ferme le placard et pose le verre sur le comptoir. je prends une bouteille d'eau et verse de l'eau dans le verre. je bois de l'eau, je pense que cela me rendra en meilleure santé. elle ne changera rien du tout. j'ai besoin de manger quelque chose. je n'ai pas faim, mais j'ai besoin de manger. peut-être une banane ? non, ça me rend malade, c'est trop. je mange certains biscuits. je ne veux pas manger. j'ouvre le frigo, je sort une bouteille de jus de fruit. je remplis le verre de jus et je le bois. je mange encore quelques biscuits et je vais à la

  salle de bain. la salle de bain est humide, petite. la chatte grimpe sur l'évier. j'ouvre le robinet et laisse la chatte boire à l'eau courante. une fois satisfaite, elle descend et quitte la salle de bain. je me regarde dans le miroir, je n'aime pas me regarder, je me sens moche au réveil. j'arrête de me regarder, je prends un morceau de fil dentaire et je le passe entre mes dents. je prends ma brosse à dents, mets du dentifrice dessus et je commence à me brosser les dents. je me promène dans la salle de bain en me brossant les dents. en fait, je tourne presque sur place. je pense à quelque chose dont je ne me souviens plus : une pensée quotidienne et oubliable. je me sens un peu étourdi. au bout de deux minutes, j'arrête de me brosser les dents. je me regarde dans le miroir. j'arrête de me regarder. je me dirige vers la porte de ma chambre et prends une serviette qui y est accrochée. je retourne à la salle de bain. je me lave le visage à l'eau froide. je me sèche le visage avec la serviette. je me regarde dans le miroir. je me sens un peu mieux. je me regarde et je pense à mon

  corps. je n'aime pas mon corps. je n'aime pas mon visage. je me regarde. je me regarde dans les yeux. je me sens étrange. je me sens vide. le corps que je vois ne m'appartient pas. je ne vois rien. mes yeux voient quelque chose et en fait ne voient rien. je me regarde à nouveau. non, je ne me vois pas. je vois un corps extérieur et non un corps intérieur. je ne vois rien. je me sens mal à l'aise avec mon corps. c'est moi ? oui. non. oui. je ne sais pas. je ne sais rien. je ne le sais pas moi-même. ce n'est peut-être pas moi. je me demande à quoi ressembleraient les choses si j’avais le corps du sexe opposé. est-ce que je me sentirais plus à l'aise ? est-ce que je me sentirais comme moi ? peut-être que oui. mon visage serait plus délicat, mon nez plus petit. je déteste chaque centimètre de mes asymétries et imperfections. je ne les ai pas demandés, je ne méritais pas de naître avec elles. je m'imagine avec un corps féminin, un visage féminin et portant des vêtements féminins. ce moi que j'imagine me semble plus naturel que ce moi que je suis en ce moment. ce moi que j’imagine n’existe pas. peu importe. j'ai perdu quelques minutes dans cette petite digression quotidienne, dans ces pensées communes. je vais à ma

  chambre. j'accroche la serviette à la porte. je ferme la porte. je vais à mon lit et m'assois dessus. je sors mon téléphone portable de sous mon oreiller. il est six heures cinquante-sept minutes du matin. j'ouvre Twitter. je vois une guerre, une petite anecdote, une blague, une dispute. je ne vois rien, je perds juste mon temps. il est sept heures et treize minutes. je ne veux pas être en retard. je me lève, j’allume la lumière de la pièce et éteint la lampe. je plie les couvertures de mon lit et le laisse organisé. j'ouvre les tiroirs sous mon lit. je prends un pantalon noir et un t-shirt blanc que personne ne verra. je mets les vêtements sur mon lit et me dirige vers mon placard. j'ouvre le placard, je sors ma chemise en flanelle bleue et la place avec les autres vêtements. je prends du déodorant et ferme le placard. j'enlève mon pyjama. je me sens dégoûté de mon corps, il me dérange. j'évite de regarder ma peau. j’évite de me regarder. je m'habille rapidement. déodorant, pantalon, t-shirt, chemise. c'est bon, je me sens mieux. je plie mon pyjama. je regarde mon sac à dos. je regarde mes cahiers sur la table, à côté de l'ordinateur. je mets les cahiers des cours d'aujourd'hui dans mon sac à dos, je l'organise pour aujourd'hui. est-ce que tout est prêt ? il manque quelque chose ? je ne pense pas. il manque une chose. je vais à la cuisine. j'ouvre un placard. je prends un paquet de biscuits au citron. je ferme le placard. je retourne dans ma chambre. je mets le paquet de biscuits dans mon

  sac à dos. mon sac à dos est un peu vieux. il a environ cinq ans. je ne m'en souviens pas très bien. il est un peu déchiré. j'aimerais avoir un nouveau sac à dos, mais je ne veux pas déranger ma mère. j'aimerais avoir beaucoup de choses. non, pas beaucoup. peut-être juste des choses un peu spécifiques. peut-être pas. je ne sais pas. j'aimerais avoir beaucoup de vêtements. j'aimerais avoir un appareil photo analogique ou instantané. j'aimerais avoir un violon. je ne sais pas. je ne sais rien. je ne sais pas ce que je veux. j'aurais aimé avoir des choses qui me rendaient un peu plus intéressant. mon sac à dos a été acheté par mon père, en

  Argentine. je suis nostalgique de l'Argentine. elle m'apporte des sentiments étranges. je ne sais pas. je me souviens de ce qu'était ma vie là-bas. je me souviens des automnes oranges, de l'hiver froid, des courts trajets en train que je faisais avec ma mère et ma sœur tous les dimanches jusqu'à l'appartement de ma grand-mère. l'appartement de ma grand-mère était si caractéristique, si propre. je me souviens des alfajores, des empanadas, du mantecol, des glaces et des biscuits. je me souviens des réunions de famille chez mon oncle et ma tante. de tout le monde rassemblé pour des raisons dont je ne me souviens pas. peut-être pour un anniversaire, peut-être parce qu'ils voulaient simplement se rassembler. je me souviens des brownies que ma cousine préparait pour ces rassemblements. je me souviens des fêtes de Noël. je me souviens du style des maisons, de tout l'environnement argentin dans lequel j'ai vécu et des

  rues. je marche en direction de l'arrêt de bus. il y a du vent. je mets mes bras autour de mon corps et je les croise. ça ne me protège pas du vent. il fait sombre, mais pas assez pour que les lampadaires soient allumés. j’aime ce climat : faible luminosité, vent, ciel nuageux, froid. c’est un climat confortable. un bon climat pour rester à la maison, pour dormir. mais je dois aller au lycée. je dois prendre le

  bus. il est en avance, il est immobile, il repartira dans quelques minutes. je continue à marcher. je traverse une rue. j'arrive dans le bus. la porte est fermée, je frappe dessus, le chauffeur l'ouvre, j'entre. je dit un bonjour automatique, sans énergie, mort. je paie le billet, je recule un peu et m'assois sur un siège face à l'avant. je prends mon téléphone portable. sept heures quarante et un. je vois quelque chose dans mon téléphone pour me distraire, pour faire passer le temps. le bus part. je range mon téléphone. le bus n'est pas très grand, il ne fait pas beaucoup de bruit. lorsque peu de gens l’utilisent, il peut même être agréable d’une certaine manière. il tourne dans un virage, il  va tout droit, il s'arrête à un endroit, une fille monte, elle s'assoit à côté de moi, sur un siège face vers l'avant. en général, les gens ont tendance à s’asseoir dans ce type de sièges. le bus suit son itinéraire : tout droit, il tourne à gauche, il s'arrête, environ trois personnes montent, tout droit, encore un arrêt, une jeune femme descend, deux autres personnes montent, il suit le chemin, il tourne à gauche, il suit une rue étroite, il inclinée et tourne à droite. j'appuie sur un bouton qui signale que je veux descendre, il s'arrête au point suivant, je descends pendant qu'un groupe d'élèves monte. encore une fois je suis dans la

  rue. je prends une mini bouteille de désinfectant pour les mains dans mon sac à dos alors que je traverse une rue. je n'aime pas toucher aux objets destinés à un usage public. les gens qui utilisent le bus ne sont généralement pas plus propres que moi. je traverse une autre rue. je passe devant l'entrée d'un jardin. l'entrée a une statue qui se dresse devant une petite cascade. je pense que c'est une cascade, je ne l'ai jamais très bien remarqué. je ne sais pas ce qu'il y a dans le jardin, j'aimerais le visiter un jour. je descends une rue étroite, je tourne à droite et me retrouve sur un boulevard. je continue tout droit, le boulevard est très fréquenté, beaucoup de voitures passent. je déteste les voitures. elles prennent trop de place, elles sont inconfortables. je suis tout droit. je croise des gens dont je ne me souviens plus. parmi eux, des fumeurs. je déteste les cigarettes. je suis tout droit. je regarde mon reflet dans les vitrines des magasins et les vitrines des immeubles que je croise. je n'aime pas ce que je vois. je suis mes pensées, pas ma forme. les gens ne peuvent voir que ma forme. je me coiffe, tourne mon visage et continue à marcher. je tourne à gauche. je marche un peu et je m'arrête à un passage piéton. le feu est rouge pour moi. j'attends plus d'une minute. les voitures ont plus de temps que moi. le feu passe au vert, je traverse la rue, je vais tout droit, je tourne à droite. je suis devant mon

  lycée. quelques étudiants se tiennent devant l'établissement. généralement, je me sens mal à l'aise avec les gens de mon âge. généralement, je me sens mal à l'aise avec les gens. je marche vite, j'espère que personne ne m'a vu. j'entre dans le lycée, je monte les escaliers de l'entrée et je me retrouve dans la cour. il y a du monde partout, debout ou assis sur les bancs. la plupart des gens discutent, en groupe. je commence à transpirer un peu. je vois les gens avec qui je parle habituellement devant moi. je ne veux pas leur parler. je ne les aime pas. j'entre rapidement par l'entrée du secteur B, c'est le plus proche de l'entrée du lycée. que ces collègues m'aient vu ou non, je m'en fiche. je monte les escaliers, j'arrive au premier étage. il y a une dizaine de mois, je me suis arrêté dans ces escaliers, entre le deuxième et le premier étage, et j'ai pensé à me jeter. je n'ai pas sauté parce que je ne mourrais probablement pas. j'entre dans le couloir du premier étage et me dirige vers la salle de classe où j'aurai un cours de géographie. la porte de la salle est fermée. les élèves ne peuvent pas entrer dans les salles de classe sans l’autorisation des enseignants. je pose mon sac à dos par terre, appuyé contre le mur devant la porte. je n'aime pas poser mon sac à dos par terre, c'est poussiéreux, ce n'est pas très propre. mais je préfère le poser par terre plutôt que de le porter sur mon dos. je prends mon téléphone portable. huit et sept. je range mon téléphone portable. je ferme mon sac à dos. je regarde par la fenêtre devant la pièce. je regarde la cour du lycée. les étudiants sont toujours là. je ressens un sentiment d'étrangeté à leur égard. je me demande ce qu'il y a de réel chez eux. je me demande s’ils sont heureux. j'arrête de regarder par la fenêtre. je regarde dans le couloir. le sol est vieux, avec de la poussière accumulée dans les coins. les murs sont bleus et les portes de la classe sont oranges, une horrible combinaison de couleurs. il n'y a que moi dans le couloir. je marche d'un côté à l'autre. j'arrête. je me tiens à côté de mon sac à dos, appuyé contre le mur. je regarde le sol, mes chaussures. je me sens un peu fatigué. la cloche sonne. par la fenêtre, j'aperçois des étudiants qui commencent à entrer dans le bâtiment, ils se dirigeant vers leurs cours. quelques collègues de classe commencent à arriver. le cours de géographie ne sera fréquenté que par la moitié de la classe, soit quinze élèves seulement. j'aime la moitié dans laquelle je suis. en général ils sont agréables, même si je ne parle à personne et que personne ne me parle. parfois je me demande s'ils réalisent que je suis avec eux. un groupe de trois garçons arrive et se tient à côté de moi. la semaine dernière un de ces garçons est venu vers moi et m'a demandé en souriant comment j'allais. j'ai répondu que j'allais bien. je ne me souviens même pas si je lui ai demandé comment il allait. je me demande pourquoi il m'a parlé. ces trois garçons sont considérablement beaux, ils sont considérablement attirants. je ne me considère pas beau, je ne me considère pas attirant. ces garçons semblent agréables. je ne les connais que de nom. quelques élèves d'autres classes passent par le couloir. un groupe de filles de ma classe arrive. elles sont aussi agréables. une de ces filles m'a déjà demandé quelles spécialités j'étudiais et ce que je comptais faire après mes études au lycée. c’est tout. j'attends encore quelques minutes, le visage tourné vers le sol. je ne pense pas que mon visage exprime beaucoup d'émotion. je ne me sens pas très émotif. j'aurais aimé dormir. le mouvement dans le couloir s’arrête. il n’y a plus que des gens de ma classe dans le couloir. le professeur est presque toujours en retard de quelques minutes. il arrive, dit un bonjour à voix basse à certains étudiants, hoche la tête aux autres, ouvre la porte. nous entrons dans la salle juste après lui pour le cours de

  géographie. je m'assois à la place habituelle. personne ne s'assoit à côté de moi. c'est bon, j'ai plus d'espace pour moi. les autres élèves discutent pendant que le professeur s'organise. je ne fais jamais attention à ce qu'ils disent. en ne parlant pas aux autres, j'ai appris à me parler. je me sens à l'aise avec mes dialogues intérieurs, mes monologues intrapersonnels, mes divagations silencieuses. malheureusement, ces dialogues ne m'aident pas à avoir une meilleure notion du moi. peut-être que oui. je ne sais pas. le cours n'est pas très sympa. les cours d'histoire et de géographie ne sont pas très bons. le professeur est un peu agréable mais désorganisé. nous devons créer une carte, ou mieux encore : transmettre certaines informations sur une carte. ce n'est pas quelque chose de compliqué. je termine avant les autres et passe la moitié du cours à ne rien faire. je regarde le professeur qui travaille sur son cahier. je regarde mes collègues, chacun organisant sa carte au fur et à mesure qu'ils parlent les uns avec les autres. la porte de la salle est ouverte. je regarde par la fenêtre du couloir. le ciel est un peu nuageux, mais on voit un peu le bleu du matin. je me sens ennuyé, fatigué. je suis presque toujours

  ennuyé. je suis d'humeur à se dissoudre dans le ciel, à se fondre dans les nuages. presque toujours, en classe, il arrive un moment où je regarde par les fenêtres. peut-être à cause de mon appétit de sortir de l'endroit dans lequel je me trouve, peut-être parce que c'est la seule chose que je dois faire quand je n'arrive pas à me concentrer ou quand je m'ennuie. je pose simplement ma tête sur ma main et regarde le ciel, les bâtiments, les reflets, les couleurs et les lumières que le monde m’offre derrière les fenêtres. quand je suis à la maison, je suis distrait par les écrans de mon ordinateur et de mon téléphone portable. quand je me retrouve dans le monde réel, je suis distrait par les écrans des fenêtres. neuf et dix. la cloche sonne. je me retrouve une fois de plus dans le

  couloir. j'essaie d'arriver rapidement à mon prochain cours. je veux éviter les nombreux étudiants qui promènent dans les couloirs. je n'aime pas beaucoup les élèves de mon lycée. il y en a beaucoup qui sont agréables, mais les élèves des autres lycées semblent plus intéressants. l'herbe est toujours plus verte de l'autre côté. beaucoup d'élèves de mon lycée font trop de bruit, il y en a d'autres qui n'ont pas l'air de se doucher ou de mettre du déodorant. j'aurais aimé qu'ils n'existent pas. mais ce n’est pas grave, je dois juste les éviter autant que possible. je suis le premier à arriver dans la salle

  d’anglais. je reste près de la porte. certains élèves quittent la classe. mon professeur d'anglais se tient à la porte, attendant que les élèves partent. le professeur est petit. il a des cernes visibles. Je ne dors plus, je ne dors plus, dit-il à chaque fois qu'il évoque un événement d'actualité. lorsque les élèves de sa dernière classe partent, les élèves de la classe actuelle entrent. d'abord quelques filles, puis moi, puis le reste. nous sommes toujours en demi-groupe. c’est préférable. je n'aime pas l'autre moitié de la classe. je me mets à ma place. contrairement au professeur d’histoire-géographie, le professeur d’anglais est plus organisé. je préfère l'organisation à la convivialité. il pose souvent des questions à toute la classe et personne ne répond. c'est peut-être parce que personne ne connaît la réponse, parce que personne ne connaît rien, mais je crois que c'est parce que les gens ont un peu peur de lui. quand il devient nerveux, il frappe du poing sur la table avec force et plusieurs fois. chaque fois plus forte que la précédente. parfois j'ai peur, parfois j'ai envie de pleurer. je ne sais pas vraiment pourquoi. que idiot, que pathetique et que ridicule. nous travaillons sur un texte sur une exploration dans une jungle. ce n'est pas très intéressant. une fois de plus, je suis distrait. aujourd’hui, je me sens un peu déconnecté, un peu apathique. le professeur m'appelle. je lève la tête. ses yeux sont un peu exorbités. ils ont tendance à être comme ça parfois. je tourne légèrement les yeux vers la salle, les élèves me regardent. le professeur m'a posé une question que je n'ai pas entendue. Sorry, I didn’t hear what you said. The text, the paper, you have the paper, dit le professeur, un peu nerveux. je me suis souvenu de la question. je prends mon texte. je réponds à la question. Very good, I agree with you, répond le professeur en écrivant ma réponse au tableau. je sens que mes oreilles sont rouges. peu importe. c'est la pause de quinze minutes du matin. la plupart des étudiants vont dans la cour ou rentrent chez eux s'ils n'ont pas aucun cours. je vais à la

  bibliothèque. la bibliothèque est presque toujours vide. il n'y a que moi, la bibliothécaire et les livres. c'est mon refuge contre les autres étudiants. je passe entre cinq et neuf heures de ma semaine à la bibliothèque. une fois sur place, je dis bonjour à la bibliothécaire, qui me répond par un bonjour, un sourire et si je vais bien. Oui, ça va bien, je réponds. elle dit que je passe trop de temps à la bibliothèque cette année. si je n'ai personne avec qui passer mon temps libre. si je n'ai pas

  d’amis. je n'ai jamais eu beaucoup d'amis. je me souviens qu'en Argentine j'avais des amis, j'allais chez eux et ils allaient chez moi. mais je me souviens bien que je ne passais pas de récréation avec eux. les jeux de garçons étaient trop brutaux pour moi. les filles ne m'acceptaient pas dans leurs groupes et dans leurs jeux parce que je n'étais pas une fille. j'ai fini par jouer avec moi-même. au Brésil, je ne parlais à personne, je restais à la récréation attendant que ça finisse avant de retourner en classe. je ne regardais que les autres étudiants jouer. j’ai eu mon premier et mon dernier ami quand j'avais treize ans. je me souviens de ce garçon avec qui je parlais toujours, avec qui je passais la récréation. nous avions dit que nous allions être amis pour toujours, nous avions prévu de vivre ensemble dans un appartement dans un quartier chic de la ville, des choses comme ça. mais je suppose qu'au final je n'étais pas vraiment ami avec lui. un jour, il m'a envoyé un message audio en pleurant, disant qu'il allait se suicider, disant qu'il m'aimait et que j'étais très importante pour lui. j'ai ignoré le message. l'inconfort de devoir faire face à ma mère qui irait me poser des questions sur un ami transgenre et déprimé était plus grand que de voir cet ami mourir. il ne s'est pas suicidé. au fil du temps, nous avons perdu le contact. la personne la plus proche de moi est peut-être ma mère. je n'aime même pas ma mère. Non madame, je n'ai pas d'amis pour le moment, je n'ai jamais eu beaucoup d'amis. Les élèves de ta classe sont-ils gentils avec toi, demande la bibliothécaire. Oui, ils sont agréables, mais je ne parle à personne. Je vois, elle fait une petite pause, Tu sais, encore une petite pause, Tu passes beaucoup de temps ici, mais je pense que c'est ta nature introvertie, dit-elle en me souriant. Oui, répondis-je en souriant, je préfère rester ici, à la bibliothèque, je peux me concentrer sur mes études et mon travail. je me retourne, j'arrête de sourire. parfois j'ai une tendance involontaire à sourire lorsque je parle à quelqu'un. le sourire disparaît dès que je détourne le visage. sourire est fatiguant. je n'aime pas sourire, je me sens laid quand je souris. je vais à l'ordinateur numéro huit, c'est celui que j'utilise toujours. j'allume l'ordinateur et je place mon sac à dos sur la chaise de l’ordinateur numéro neuf. je laisse toujours mon sac à dos sur une chaise à côté de moi. procédure habituelle. j'ouvre le site internet du lycée, où il y a mon emploi du temps, mes cours, mes avis et mes

  notes. mes notes sont généralement élevées. elles ont toujours été élevées. au Brésil, j'ai toujours eu les meilleures notes de toutes les classes que j'ai fréquenté. j’était l'élève modèle, salué par les enseignants, le chéri. j'avais coutume de lever la main à chaque question. je m’offrais pour tout. être intelligent était ma personnalité, tout ce qui me définissait. lorsque j’ai terminé mes études primaires et suis entrée au lycée, ma réalité a changé. il y avait une fille dans ma classe au lycée où j'étudiais qui excellait en tout. elle faisait tout mieux que moi. elle n'était pas beaucoup meilleure, mais c'était quand même meilleure. quand je suis arrivé en France, j'ai rencontré bien d'autres personnes meilleures que moi. au début, je les enviais. mon estime de moi a beaucoup chuté. si vous ne vous considérez pas beau ou intelligent, il ne vous reste plus grand-chose à valoriser. maintenant, j'y suis assez habitué. mes notes ont toujours été élevées, mais je ne me souviens presque de rien de ce que j'aurais dû apprendre au Brésil. je pense à mes années d'étude. ils apparaissent vides dans ma mémoire. je ne me souviens de rien. j'ai étudié juste pour avoir les meilleures notes aux examens. après chaque test passé, tout ce que j’avais mémorisé s’effondrait dans mon esprit. lors de ma dernière année scolaire dans mon lycée actuel, j'ai pratiquement réussi l'année sans avoir presque jamais étudié pour une seule évaluation. j'ai réussi à obtenir un quinze au bac de français sans avoir étudié pour cela. dans de nombreux cas, j’ai obtenu des notes bien supérieures aux autres étudiants, presque sans revoir le contenu enseigné en classe. mes notes ne reflètent pas mes connaissances. je ne sais rien. je me sens complètement stupide et incapable. tous les autres élèves semblent plus intelligents. je me demande ce qu'il pourrait y avoir de spécial dans moi. peut-être de

  loisirs. non. je n'en ai aucun. je ne fais vraiment rien. tout ce que je fais, c'est lire quelques livres, connaître des choses aléatoires, parcourir Wikipédia, regarder quelques vidéos sur YouTube. seulement. c’est tout. je ne fais plus rien. j'aimerais savoir peindre, dessiner ou jouer d'un instrument; tout pour arrêter d'être aussi médiocre. l’année dernière j’ai essayé de m’intéresser au design de mode. j’ai fait quelques croquis. rien de spécial. rien de joli. on ne peut pas faire de bons croquis si on ne sait pas dessiner. j'ai déjà essayé d'apprendre à dessiner quand j'étais petit. j'ai abandonné par manque de prodige, par manque de talent. quand j’avais sept ou huit ans, ma mère m’a emmené suivre des cours de violon proposés par l’église que je fréquentais. après trois cours, elle a arrêté de m'emmener. j'aimerais toujours pouvoir jouer du violon. je ne sais pas si c'est parce que je veux vraiment apprendre à jouer de cet instrument ou si c'est parce que je veux m'occuper de quelque chose. je ne sais rien. parfois je me retrouve à regarder des vidéos de gens peignant ou jouant du violon. j'aimerais être un de ces gens. je ne sais même pas si je vais à 

  l’université. je recherche une université du nord de la France sur l'ordinateur numéro huit. ça ne doit pas être très différent d'un lycée. j'ai l'intention d'étudier quelque chose de littéraire. peut-être l'anglais. peut-être des lettres. peut-être de la linguistique. je ne sais pas. je me sens sans énergie. je veux juste aller ailleurs. je veux sortir de la

  ville. Marseille n'est pas pour moi. la ville me consume et me dévore. beaucoup de gens. beaucoup de bruit. beaucoup de mouvement. beaucoup de saleté. peut-être qu'aucune ville n'est pour moi. j'ai besoin de vivre dans un lieu calme. j'ai besoin de vivre dans un endroit où rien ne se passe, où il n'y a que moi. j'ai besoin de vivre dans un endroit agréable, un endroit avec des arbres. j'ai besoin de quelque chose. je ne sais pas quoi. dix et vingt. la cloche sonne. les élèves vont à leurs cours. j'entends du mouvement dans les couloirs et dans les escaliers. j'ignore. dans Google Maps, je me promène dans les villes. je vois les rues. je vois l'esthétique. je vois la météo. je dois trouver un endroit qui me convient. en ce moment, tout m'ennuie, tout semble vide. je visite différents endroits en France. Caen, Brest, Quimper, Le Mans, Angers, Tours… j'ai besoin d'aller dans un endroit frais, froid. un endroit qui me permet de cacher mon corps. un endroit monotone où rien ne se passe. un endroit où je peux avoir une maison avec un jardin. un endroit où il fait toujours nuageux. un endroit où je peux avoir un travail simple, peut-être dans une bibliothèque. un endroit propre. un endroit… midi dix. je me suis laissé distraire. je n'ai pas vu le temps passer. je dis au revoir à la bibliothécaire. je descends les escaliers du secteur C avec quelques autres étudiants qui courent vers la cantine. ce n'est pas très agréable de rester dans la

  file. je suis arrivé un peu tard, il y a déjà quelques personnes. je vais devoir attendre un peu jusqu'à pouvoir manger. la cantine est souterraine, donc la moitié de la file d'attente est constituée d'escaliers. je déteste la file d'attente. beaucoup de gens. beaucoup de bruit. très étouffante, chaude. la plupart des étudiants ont la tête baissée, rivés à leur téléphone portable et à leurs réseaux sociaux. c’est quelque chose d’un peu dystopique, quelque chose qui me met mal à l’aise. ils ne contiennent rien d’utile. contenu répétitif. limites de la pensée. hypocrisie. je ne suis pas très différent d'eux. la file d'attente met du temps à se déplacer. j'entends des rires derrière moi. c'est un groupe de garçons. ils s'approchent d'un autre garçon, quelques pas devant moi, et lui demandent s'il préfère des gays ou des hétéros. je me sens dégoûté pour eux. je ne sais pas si c'est ce qu'ils demandent. je ne sais pas si c'est une blague entre amis ou du harcèlement. je me sens mal de ne pas connaître suffisamment la langue française pour savoir avec certitude ce qui se passe. ils continuent avec la question. personne ne semble s'en soucier. ils commencent à demander au garçon s'il est gay ou hétéro. ils répètent. ils répètent encore une fois. l’un d’eux dit que ce garçon est trans, pour plaisanter. le groupe rit. je me sens dégoûté par eux. je les déteste. qu’est-ce qui les pousse à agir ainsi ? la file avance. je ne suis plus dans les escaliers. le bruit continue. ah, j'aimerais disparaître. je voudrais me dissoudre dans l’air. je me lave les mains dans les éviers de la file, puis je les sèche. j'adore me laver les mains. j'aime leur douceur après avoir été lavés avec du savon. la file avance. finalement, je récupère mon plateau. la dame qui donne les couverts aux étudiants est toujours souriante. elle me dit bonjour. d'une manière ou d'une autre, elle connaît mon nom. elle demande comment je vais. je réponds comme d’habitude : comme toujours. elle rit et dit qu'elle m'adore. elle me donne les couverts, un gobelet en papier et une petite miche de pain. j’avance. je récupère mon assiette : riz, ratatouille et poulet pané. j’avance. je prends un yaourt à la fraise et finalement je sors de la file et je vais à la

  cantine. j’avance dans un couloir. je passe devant une salle avec des tables. je ne mange jamais dans cette salle. je vais dans une autre salle, la pièce habituelle. j'arrive et je m'assois à une table vide. aujourd'hui, je mange seul. quand je ne mange pas seul, je mange avec quelqu'un de mon “groupe”, même si je n'aime pas beaucoup ces gens-là. en général, ce sont des gens ennuyeux. ce n'est pas moi qui leur parle, ce sont eux qui me parlent. peut-être que je devrais disparaître de leur vue. m'emprisonner avec moi-même. cela n'a pas d'importance. je mange. normalement, j'écoutais de la musique pendant que je mange, mais la semaine dernière mes écouteurs ont arrêté de fonctionner, alors je me content de manger et rien d'autre. j'aime écouter de la musique. c'est un de mes petits passe-temps. je lève la tête. je regarde les autres tables, je regarde les autres étudiants. presque tous avec leurs collègues, en riant. beaucoup d’entre eux sont plus intéressants que les gens qui me parlent. beaucoup d'entre eux sont plus jolis que moi. j’envie leurs personnalités, j’envie leurs corps. je déteste mon corps. je me sens bizarre par rapport à eux. je me demande s'ils me remarquent. je me demande si un jour ils ont pensé à moi. je crée des pensées sur eux. je les regarde. je me sens tellement gêné, tellement ennuyeux. je n'ai rien de spécial, je n'ai rien d'unique. puis-je en arriver à me considérer comme un moi ? je préfère ne pas me faire remarquer. j'aimerais souvent être invisible. j'ai souvent envie de mourir. quand je finis de manger, je sors de la cantine et me dirige vers la cour. maintenant j'en une

  pause. la cour me fatigue. il y a du monde partout. je me dirige vers un escalier en colimaçon, elle s'arrête dans une autre partie du sous-sol, dans des toilettes individuelles. je n'aime pas utiliser les toilettes des hommes, elles sont extrêmement sales et puent l'urine. j'espère que la toilette individuelle est ouverte. je pense que c'est pour les employés du lycée. je ne suis pas sûr. parfois elle est ouverte et je peux l'utiliser. la toilette est ouverte. j'entre. je ferme et verrouille la porte. je sors un étui de mon sac à dos et j'en sors du fil dentaire, une brosse et du dentifrice. je crois que je suis le seul élève du lycée à me brosser les dents après avoir mangé à la cantine. j’aime être propre, j’aime me sentir propre. quand les toilettes sont fermées je finis par me sentir mal parce que je ne peux pas me brosser les dents. je refuse d'aller dans les toilettes des hommes pour me brosser les dents, je m'y sens mal à l'aise. quand j'ai fini de me brosser les dents, je vais à la bibliothèque. c'est fermé pendant les heures de cantine, alors je me tiens juste devant la porte. la porte de la bibliothèque se trouve dans les escaliers du secteur C. c'est un endroit calme par rapport à la cour. je prends mon téléphone portable et me distrait jusqu'à l'arrivée de la bibliothécaire. aujourd'hui elle est arrivée juste avant que la cloche ne sonne. c'est bon. je n'aurai plus à voir, entendre et faire partie des dizaines d'élèves qui montent les escaliers en même temps que la cloche sonne. j'entre dans la bibliothèque et me dirige vers l'ordinateur numéro huit. j'essaie de faire quelques leçons. je n'arrive pas à me concentrer. je me laisse vite distraire. je n'aime pas travailler à la bibliothèque. je préfère ma chambre. je préfère toujours ma chambre. je déteste quitter la maison. je déteste quitter mon lieu de confort. quand je ne suis pas au lycée, je suis dans ma chambre. je sais que la plupart des autres étudiants entretiennent des relations sociales. je sais que beaucoup d’entre eux sortent entre amis, vont à la plage ou dans un centre commercial. je déteste les plages, je déteste les centres commerciaux, mais parfois je me sens mal de ne pas être comme eux. je me demande si ils sont

  heureux. je ne suis pas heureux. en fait, je suis une personne triste. peut-être pas. peut-être que je ne suis ni heureux ni triste. je ne sais pas. actuellement, la névrose fait partie de moi. je ne me souviens pas très bien de la dernière fois où je me suis senti heureux. je ne me souviens pas de ce que c'est que d'être heureux. même l’idée du bonheur me provoque une certaine répulsion, comme si c’était quelque chose d’opposé à moi. il ne me manque pas grand chose. ma famille est assez stable, mais je ne suis pas heureux. je vois d'autres personnes de mon âge faire des fêtes, sortir, avoir des amis, des passe-temps... et je ne fais rien de tout ça. je n'ai pas envie de faire quoi que ce soit. je me sens si étrange, si mal à l'aise, si déplacée. pourquoi suis-je si différent ? pourquoi suis-je si inintéressant ? parfois, j'aimerais juste ne pas exister. il y a des moments où je ressens quelque chose qui pourrait être de la joie. parfois je lis un livre ou regarde une série... et je fais partie des histoires, je me retrouve dans l'univers des personnages, je vis leur vie, je ressens leurs émotions et partage leurs loisirs... et j'en ai envie à tel point que cette vie que je vois était la mienne, mais ensuite ces histoires se terminent et je retourne à ma vie… ou peut-être à son absence. ma tante disait que j'avais passé mon adolescence en blanc. ce n'est pas un mensonge. je n'ai rien fait. dans quelques semaines j'aurai dix-huit ans... mais je n'en ai même pas l'impression d’avoir dix-sept ans... le temps a passé si vite... les jours ont passé si vite... tout bouge et je stagne. je continue de perdre mon temps. je ne fais rien d'autre que me distraire. je ne fais rien d'autre qu'exister. j'ai besoin d'un nouveau cerveau. j'ai besoin d'un nouveau corps. je dois cesser d'exister. je sors mon journal. j’écris quelque chose. je ne peux même pas écrire ce que je ressens, ce que je pense. ma langue est limitée. peut-être que j'écris peu parce que je pense peu. et le temps a passé. quinze et vingt trois. j'ai fini par ne rien faire à la bibliothèque. je mange vite mes biscuits au citron et je sors. je dois aller au cours de

  philosophie. je vais passer deux heures dans une pièce avec plus de trente autres personnes. je suis l'une des premières personnes à arriver à la porte de la salle. peu de temps après, d'autres étudiants arrivent, marchant généralement en groupes et en discutant. une fille à qui je parle parfois s'approche et se tient à côté de moi. elle me dit bonjour, je dis la même chose. elle demande si je vais bien, mais pas avec le ton habituel, — avec le ton de question automatique qu’on fait de demander si quelqu'un va bien, elle demande vraiment si je vais bien. je fais un léger sourire et je dis oui. le professeur arrive. nous sommes entrés. je me mets à ma place habituelle. je sais qu'en m'asseyant à ma place, je finis par déranger un groupe de garçons qui sont habituellement assis ensemble dans d'autres classes. jamais aucun d’eux ne m’a demandé si je pouvais m’asseoir ailleurs. les cours de philosophie sont considérablement ennuyeux à cause des autres personnes. la moitié de la salle parle habituellement. personne ne semble se soucier de ce que dit le professeur. personne ne semble se soucier de réfléchir sur quelque chose. le professeur demande si nous trouvons intéressant ce qu'il dit. certaines étudiantes derrière moi répondent oui. elles mentent probablement. elles parlent souvent en classe. personne ne se soucie de ce que dit le professeur. les élèves interagissent les uns avec les autres. je regarde autour. je suis assis seul. je me sens un peu déconnecté, fatigué. je regarde par la fenêtre. je regarde les autres étudiants. je regarde ce garçon que je trouve beau. parfois j'ai l'impression d'être hors de mon corps. parfois je pense à prendre un couteau et à me suicider. parfois je pense que je me suis égaré. et le temps passe. et j'ai le sentiment que tout le monde autour de moi draine mon énergie. et je veux disparaître. et puis je me retrouve dans une

  rue. je n'ai plus de cours aujourd'hui. je marche. je traverse une rue. j'arrive à un arrêt de bus. il y a beaucoup d'autres étudiants. je me sens mal à l'aise. je regarde un panneau qui indique quand passera le bus que je prends pour retourner chez moi. dix minutes. c'est long d'être avec ces autres personnes. je sors de l'arrêt de bus et longe le boulevard. je regarde dans les vitrines des magasins. je ne suis pas si mal. le temps est un peu froid. je croise les bras et continue de marcher. j’avance. je traverse une rue. j’avance. feu rouge, je m'arrête. feu vert, j’avance. je me retourne et descends par une rue. j’avance. j'arrive à un arrêt de bus vide. je reste immobile, regardant les passants. parfois je me demande s’ils existent vraiment, quelle vie ils ont. quelques minutes passent. quelques bus passent par là. le bus que je dois prendre s’approche. je fais signe au chauffeur, il s'arrête, la porte s'ouvre, je monte. il y a du monde dans le bus, mais ce n'est pas grave, la plupart descendent au prochain arrêt. le bus suit sont chemin. il arrive au terminus et je descends. je me sens un peu déconnecté. je marche simplement dans la rue. je passe juste à autre chose. je traverse une rue. j'arrive dans l'immeuble où j'habite. il y a un oiseau mort devant la porte. il y en avait deux quand je suis parti. j'entre dans le bâtiment et monte les escaliers. j'habite au dernier étage, je dois donc monter chaque marche des escaliers poussiéreux. le bâtiment dégage une odeur étrange, comme dans un endroit où il n’y a pas de ventilation. j'ouvre la porte de

  l’appartement. ma mère me dit bonjour alors que j'enlève mes chaussures avant d'entrer. j'entre et je vais dans ma chambre. je place mon sac à dos à côté de mon lit et range mes chaussures. je vais à la salle de bain. je me lave les mains et me regarde dans le miroir. je ne suis pas si mal. d'une certaine manière, je me sens même un peu attirant. cela n'a pas d'importance. je me sèche les mains, me coiffe et vais à la cuisine. j’ai besoin de boire de l'eau. étant au lycée toute la journée je finis par ne pas boire beaucoup d'eau. je lave le verre que j'ai utilisé et retourne dans ma chambre. je sors mon téléphone portable de mon sac à dos et je perds encore une fois mon temps. je ne sais pas vraiment pourquoi je fais ça. je devrais me baigner puis étudier ou faire une activité du lycée. je ne veux rien faire. je veux me transformer en poussière et me laisser emporter par le vent. je veux être un arbre et grandir dans un jardin anglais. je veux être l'un de ces animaux des livres pour enfants qui vivent dans des terriers confortables sous terre ou à l'intérieur d'une bûche. je veux être une femme agée vivant dans une maison de campagne rustique, passant ses journées à tricoter, à entretenir un jardin ou à faire des tartes. je veux être le chat ou le chien de cette dame. les réseaux sociaux, les livres, la musique, les séries... tout cela me permet de quitter un instant ma réalité et d'entrer dans les réalités que je désire. dix-huit et sept. je ferais mieux d'en prendre un

  bain. en attendant que l'eau chauffe, je me regarde dans le miroir. comme c'est bizarre. je me demande comment je peux être cette personne que je vois reflétée. je ne sais pas quoi penser de mon corps. je ne l'aime pas, mais il y a des moments où je me vois et je pense même que je suis un peu attirant. de rares moments. la plupart du temps, je suis gêné de me regarder. c'est là que le doute surgit : parfois j'aime mon corps et je me sens attirant, mais quand ce n'est pas le cas, je pense que je devrais avoir un corps féminin; alors quel corps me semble le mieux adapté ? quel genre est préférable ? je me demande si les autres me trouvent attirant. non pas que je m'en soucie, mais parfois j'y pense... bien sûr que je m'en soucie : je veux que quelqu'un me trouve attirant de la même manière que je trouve les autres attirants. je veux avoir une de ces stupides petites romances d’adolescent que je lis dans certains livres. je peux à peine avoir des amis et je pense à sortir avec quelqu'un. comme c’est pathétique, comme c’est idiot. je sors déjà avec mon esprit. avant d’aimer quelqu’un, je dois m’aimer. la sensation de l'eau chaude qui traverse mon corps me détend. je pourrais passer plus d'une heure sous la douche, rien qu'à écouter le bruit de l'eau qui tombe et à sentir la chaleur de la vapeur. j'aime me baigner, j'aime me sentir propre. j'entends la voix de mon beau-père, il a du retourné de son travail. je ne peux pas rester longtemps sous la douche, même si je voulais y rester jusqu'à ce que je fusionne avec l'eau. je sors de la douche, la vapeur envahit la salle de bain. je prends ma serviette et me sèche. avec ma main, j'enlève un peu de vapeur dans le miroir et je me regarde. je me sens presque toujours un peu bien après le bain, un peu attirant. mon corps est plus lisse après un nettoyage avec de la mousse. mes traits deviennent un peu roses à cause de la chaleur. c'est presque comme si j'avais acquis un autre corps. je mets du déodorant et enfile un pyjama. je passe ma main dans mes cheveux, qui sont un peu mouillés, pour les fixer. je me regarde dans le miroir. je ne suis pas si mal. c'est quelque chose de momentané. j'en reviens toujours à me sentir horrible. j'ouvre la porte de la salle de bain. j'ai froid. je vais à ma

  chambre. j'allume l'ordinateur et m'assois sur la chaise. dans quelques minutes, ma mère m'appellera pour le dîner. j'ouvre Spotify et je mets de la musique à écouter. parfois j’aime écouter de la musique, parfois je peux même penser que j’en fais partie. je devrais créer plus de playlists, mais ce n'est pas quelque chose de très simple à faire. créer une playlist musicale nécessite d'avoir un sens, cela nécessite de savoir choisir les chansons, leurs significations, l'ordre dans lequel elles sont affichées, la pochette choisie pour l'album. je créerais de nouvelles playlists si j'avais le temps. je ferais beaucoup de choses si j'avais le temps. je me sens hors du temps. si j’ai quelque chose à faire, cela prendra toute ma journée. au final, je ne fais rien. je passe des heures, des jours, des semaines et des mois à procrastiner. je tergiverse parce que j'ai l'impression d'avoir beaucoup à faire, j'ai l'impression d'avoir beaucoup à faire parce que je tergiverse. le temps passe très vite. je regarde des images sur Pinterest. Spotify et Pinterest, tout ce dont j'ai besoin pour me distraire. j'en ai marre des deux, je vais sur YouTube. je regarde une vidéo ou deux. je regarde quelque chose qui me fait sortir de l’air par le nez, qui me fait légèrement sourire; ou quelque chose qui attire mon attention, une peinture ou une vidéo de violon. j'entends ma mère m'appeler pour

  déjeuner. je prends ma Sertraline et je vais à la cuisine. je dis bonsoir à mon beau-père. mon plat a déjà été servi par ma mère. je déteste ça. j'aimerais pouvoir me servir. la table n'est pas comme je le voudrais. je place mon assiette au milieu du set de table. dans le coin supérieur gauche je place mon verre, sous le verre et sur le côté de mon assiette j'organise la serviette, en forme de triangle pour contraster avec l'assiette circulaire. sur le côté droit de l'assiette je place le couteau, suivi de la fourchette. c’est prêt. c’est organisé. ça va bien. c'est agréable. quand ma mère s'assoit, mon beau-père allume la télévision qui se trouve sur un comptoir à côté de la table. un peu de son est nécessaire pour couvrir le silence. peu importe ce qui passe à la télévision, mon beau-père secoue toujours la tête. quoi qu’il arrive, la nouvelle sera toujours accompagnée d’un signe négatif de sa part. ma mère commente quelque chose. elle a toujours besoin de parler, elle ne supporte pas de se taire. elle parle même si elle ne sait pas ce qu'elle commente. mon beau-père est tout simplement d'accord. pouah, j'ai besoin de me dissoudre, j'ai besoin de devenir sourd. je les souffre. je prends la gélule de Sertraline avec une gorgée d'eau. je mange un peu vite pour que je puisse quitter la table. je veux rester dans la

  chambre. je n'étudie pas, je ne fais aucun devoir, je me laisse juste distraire. j'écoute de la musique, je regarde des vidéos. je me dis que je n'arrive pas à me concentrer, mais ce n'est peut-être pas vrai. peut-être que je tergiverse simplement parce que je n’ai aucune envie d’étudier. le temps passe. neuf heures cinquante-deux. ma mère frappe soudain à la porte de ma chambre et me dit d'aller dormir. je déteste quand elle fait ça. je vais à la salle de bain. je me brosse les dents. je me lave le visage. j'ai juste besoin de

  dormir. je retourne dans ma chambre. j'éteins l'ordinateur. je m'allonge sur mon lit et je mets mon téléphone portable sous mon oreiller. aujourd'hui était juste un autre jour. aujourd'hui je me sentais un peu mal. peut-être que demain je ressentirai la même chose. peut-être que demain je me sentirai mieux. peut-être que demain je me sentirai pire. un jour j'aime me voir dans le miroir, le lendemain je peux à peine me regarder sans avoir envie de pleurer. un jour je veux mourir, le lendemain je veux dormir pour ressentir le demain. un jour je ressens certaines choses, le lendemain je ressens tout différemment. un jour je déteste tout, le lendemain j'aime l'idée d'aimer quelque chose. les jours changent ou restent les mêmes. mon humeur change ou reste la même au fil du temps, que ce soit un mois, une semaine, un jour ou une heure. demain sera un autre

  jour. je me

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